A Toulon, javais dimanche dernier un autre voisin :
Sylvain Tesson, auteur entre autre de "Eloge de l'énergie vagabonde" (pocket, 6 euros).
il avait raté son train, il est arrivé en retard dimanche et n'a pas retiré son blouson de cuir en dépit de la chaleur qui régnait dans la halle. Je ne le connaissais pas du tout. je devais bien être la seule. il était calme, souriant, peu causant. Mais tj courtois envers celles et ceux (assez nombreux) qui le félicitaient; il venait d'obtenir le Goncourt 2009 de la nouvelle pour "une vie à coucher dehors".
J'ai pris son livre de poche et jai parcouru la 4e de couv' :
"J'irai de l'Aral à la Caspienne.
Je gagnerai l'Azerbaïdjan à bord d'un ferry. De Bakou, je cheminerai vers la Turquie par la Géorgie. A pied, à vélo, je ne le sais pas encore, mais loyalement, sans propulsion motorisée. Au bout de ma route, j'aurai relié trois mers, abattant le même trajet que celui d'une larme d'or noir de la haute Asie convoyée à travers steppes et monts pour que le monde poursuive sa marche folle. Profitant de cette traversée de terres à hautes valeurs pétrolifère, je consacrerai mon temps d'avancée solitaire à réfléchir au mystère de l'énergie.
celle que nous extrayons des strates de la géologie mais aussi celle qui attend son heure au plus profond de nous. Pétrole et force vitale procèdent du même principe : l'être humain recèle un gisement d'énergie que des forages propices peuvent faire jaillir. Pourquoi nos ressorts nous poussent-ils à l'agitation au lieu de nous convertir à la sagesse zen ?"
J'ai ouvert les premières pages et j'ai vite compris que cela allait me plaire.
son épopée à vélo est d'abord très bien écrite, avec parfois des accents malruciens. ses descriptions de la mort de la mer d'Aral ou d'un feu en Azerbaijan, des abeilles georgiennes, du pipeline reliant Bakou-Tbilissi-Ceyran sont étranges, tour à tour calmes, épuisantes, pédagogiques, poétiques. Tesson possède une écriture sèche et évocatrice. Jamais pétrole n'a aussi bien signifié "or noir" que dans ce récit.
Des femmes anatoliennes cloitrées dans leurs maisons il dit : "l'Islam a instauré un formidable service de prestation, mieux rodé que n'importe quelle entreprise capitalistique. une moitié du genre humain a mis l'autre à son service. Que le dogme coranique vacille sous les coups de bélier de la marche du temps est probable. Que les hommes abandonnent le privilège de disposer d'un prolétariat féminin relève de l'utopie"... "le voile est l'étrange aveu d'une panique devant les manifestations de la beauté".
les barbus apprécieront.
Sous la sobriété de Tesson, le feu gronde. Il est en osmose totale, physiquement et psychiquement avec les paysages qu'il traverse.
C'est sans doute pour cela qu'il ma fait l'effet d'un passager du vent à Toulon, si poli, si lointain. Sa place est là-bas, on le sent à chaque page.
Ecrivain aux antipodes de mes chronos men il rejoindra sa Sibérie dès Février. Quand il évoque le lac Baïkal son visage s'éclaire...
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