Une police sobre, des couleurs à foison... Petite, ma lecture secrète était déjà le ELLE de maman. Entre deux Fantomette, je feuilletais les promesses de féminité, de liberté contenues dans l'hebdo de mesdames Lazareff et Auclair.
Un paysage... Pendant les années d'enfance, les femmes y étaient peu sophistiquées. Des Scandinaves naturelles assuraient la mode, des interviews de femmes en colère et "normales" bouleversaient gentiment la vie ouatée des 30 glorieuses. Une vision déformée par la gamine que j'étais de femmes très chic en cheveux et en jupes de gitanes, de pots de plantes grimpantes, de pages pleines de textes qui parlent de divorce et de contraception. De mères parfois seules. Je tâtonnais, je cherchais les clés du futur... Sans savoir que j'allais vivre toutes ces situations.
Les années 80/90 de ELLE ont commencé à me passionner : j'avais enfin l'âge d'expérimenter la crème Embryolisse, de me rêver en Agnes B, d'aller m'ennuyer en boites, d'essayer des coupes de cheveux grotesques, d'entrer dans des boutiques pour m'entendre dire:"Le basique ne vous va pas. Soyez toujours TRES féminine".
Je collectionnais les chroniques d'Hector Obalk (qui m'a acceptée comme "amie" sur FB il y a 3 mois, j'appelle ça une consécration). J'avais collé son analyse de Velasquez sur mon agenda de classe de terminale. Les fiches cuisine ne m'intéressaient pas encore. La déco, oui... La littérature, aussi (mais pas trop dans le ELLE).
ELLE, ça avait de la gueule... C'était gentiment moqueur, un peu égoïste, un peu femme libérée c'est pas si facile, ça donnait les clés de Paris sans trop de snobisme, ça partait dans tous les sens, ça n'était pas agressivement féministe...
ELLE racontait des histoires, des histoires colorées et joyeuses. Dans le temps, j'adorais une mannequin qui s'appelait Veronica Webb. J'ai la mémoire de l'inutile, je retiens souvent des détails qui ne servent à rien. Donc cette Veronica m'avait tapé dans l'oeil parce qu'elle avait un style bien à elle. Et je me disais : une jeune fille qui sait être aussi... cohérente doit avoir un gout parfait. Elle n'est pas que jolie. Cela peut paraitre idiot, mais j'ai suivi à la trace son parcours. Il n'y avait pas encore la boite de Pandore d'internet, aussi je tâtonnais pour avoir des renseignement sur l'appartement à NY de Veronica, les gouts de Veronica... j'ai acheté un bouquin d'Arthur Elgort qui la citait et dès que j'ai vu son chez-elle, j'ai compris pourquoi elle me plaisait : elle aimait les traces de l'enfance, le bric-à-brac, le cher et surtout le pas cher...
Dans les ELLE, on s'identifiait ainsi à des personnages.
A 35 ans j'ai atteint le graal : ETRE DANS ELLE. Avec une page et demi d'article, SVP. C'était juste au moment de la parution d'Une cicatrice dans la tête. Lorsque l'éditeur m'avait appelée pour me dire qu'on allait m'interviewer, j'avais répondu, interloquée: "Ah ouais?"Je n'y croyais pas. L'éditeur avait perdu contrôle et m'avait claqué un cinglant : "Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, Valérie, mais il y en a qui TUERAIENT pour une interview dans ELLE." J'étais morte de peur lors du déjeuner avec la journaliste. Mais au dessert, on était comme deux amies. J'ai perdu "mon" ELLE (octobre 2000), mais j'ai bien envie de le retrouver sur ebay. J'ai gardé juste une photo de l'entretien. Une preuve que j'appartiens à la famille des ELLE.
Et puis la vie a continué, ELLE a accéléré son tempo, je l'achète tous les vendredi (je refuse de m'abonner, je préfère l'acheter à mon QG, ça fait partie du plaisir). Je continue à le scruter, à l'aimer, à parfois le critiquer...
Alors comme ça, jolie ELLE, tu as 70 ans? Tu ne les fais pas. A ta tête à présent, une brune chère à mon coeur y déploie son charme phénoménal et sa drôlerie.
Pour cet anniversaire, tu as proposé aux actrices fétiche du journal une sorte de questionnaire ELLE. Laisse-moi aussi jouer avec toi...
Votre premier souvenir de ELLE : Maimé Arnodin et Denise Fayolle parlant du style Prisunic."Le beau au prix du laid", comment oublier pareil slogan...
Un papier, un reportage qui vous a marquée : milieu années 90, ELLE demande à ses journalistes quel est leur fantasme secret. les journalistes restent assez sages, assez neutres, style "j'aimerais coucher avec Bruel". Sauf une qui pond un papier à mourir de rire : "Ma nuit d'amour avec Michel Sardou". C'était Olivia de Lamberterie, je crois.
Une couverture qui vous a marquée : CELLE-CI !!! ELLE est une déclaration d'amour à lui. Lui est une déclaration d'amour à ELLE.
Un souhait à l'occasion de cet anniversaire : avoir plus de province et moins de Paris. Et de la drôlerie, de la drôlerie, de la drôlerie...
Bon anniversaire, petite partie de mon ADN ! la duchesse d'YOK te salue gaiement.