Et oui mes amis, les bonnes choses ont une fin : les derniers salons littéraires de l’année viennent de s’achever. Samedi le bon soldat vient défendre Chronos blues
à la mairie du 16e. Temps maussade, ambiance hors du temps. Dans une salle immense écrivains se font face ; silence feutré, pas des (rares) passants étouffés par le moelleux des moquettes. Un salon reposant, cela existe-t-il ? Oui, celui-ci. Cela m’oppresse, ce manque de foule bruyante qui retourne vos livres, les tripote, vous salue brièvement ou engage conversation. Ici, pas de ça. Un photographe me tire le portrait ; je crois qu’il a capté un sourire désespéré. 5h de l’aprèm’. Pas un livre de vendu, encore une heure à tirer et si l’on excepte mon charmant voisin
qui m’a acheté « une cicatrice dans la tête » (les écrivains charitables ne sont pas légion, saluons donc Charles Jaigu pour ses élans gentlemen), nothing, nada. Mais bon sang ! Pourquoi ne pas y avoir pensé ? Qui dit 16e dit aussi H&M et la nouvelle collection de lingerie Sonia Rykiel en vente dès auj. !
Je fends l’espace, bien décidée à céder à des achats compulsifs qui raviront Charles Ingalls. Pluie et vent, j’arrive au saints des saint où se presse la foule, celle qui déserte les salons ; des gamines à peine pubères sont accrochées à leurs portables et gémissent : toutes les petites tailles sont parties. Bien fait, bourgeoisillonnes affamées, à moi de jouer. Et j’embarque qq petites merveilles dont un soutif en dentelle noire, nœud joliment placé entre les seins que je compte essayer le soir même. La fièvre monte à El Pao, la saturday night fever, hop !, un petit rose pour la route. Et puis un rayé multicolore aussi. Et hooo, oui, la guêpière en satin chair Marilyn à mort ! Triomphante je réintègre le palais de la civilisation, ravie. J’y croise Catherine Hermary-Vieille,
amie de la famille qui, elle, est à son aise : sa Marie-Antoinette ploie sous les ors de cette république ; une comédie sur les messieurs vieillissants
beaucoup moins. Pourtant il y en a plein ! Mieux vaut filer en douce après avoir lapé un gorgeon de champagne, serré la main du député harassé qui n’a pas retenu votre nom, sans se retourner, légère comme une bulle, serrant son sac à malices. Une fois devant le miroir de ma chambre, place au show : le soustingue noire est affolant mais mme Rykiel n’a pas le compas dans l’œil : chez elle je fais un solide 100 D ! Je n’arrive pas à y croire, cette femme a fait de moi un monstre de foire, une Dolly Parton. Mais non, enfin, ma taille réelle est… Pas grave, j’ai bien fait de prendre deux pointures au dessus. En revanche je tremble devant la guêpière pas essayée qui affiche un honnête 42. Normalement, pas de problèmes. Mais dès l’entrejambes ça se gâte : garce de vieille rouquine, tu as fait d’un 42 un 36 fillette !
Dans ton body je ressemble à Demis Roussos, la chair reflue là où elle ne devrait pas être, je suis un gorille en tutu. A pleurer. Je le refilerai à une de mes sœurs en cadeau de noël, tant pis. Je me couche écumante de rage, prête à massacrer les stylistes qui emploient des filles de l’est qu’ils désincarnent jusqu’à l’os. Mais qui peut-donc faire un 34 Rykiel ? Une gamine de 6 ans (et encore) ?
Charles Ingalls reste bienveillant, sensible à mon humeur chagrine.
Dieu merci j’ai trouvé la perle. Un homme qui vous dit : « si tu veux ressembler à Kate Moss, je te quitte» n’a pas d’équivalent.
Dimanche, Boulogne, c’est moi, j’arrive, ma ville, mon terreau, je suis lààà !
Guillerette je sautille sous l’averse jusqu’ à l’espace Landowski. Y a plein de monde. Je retrouve un cousin, Eric Le Gall,
autodérision sémillante et œil clair (on se saluerait presque en breton pour se porter chance). Il a écrit un livre sur les discours de mariage, en voilà une bonne idée. Mais c’est vrai qu’en décembre, c’est dur de vendre le concept. Je lui prédis un succès printanier. Tiens, Titi est là !
Il chapeaute ses auteurs en bon berger avant de me glisser (« une fois la saison finie nous partons pour les Seychelles avec l’argent des écrivains »). A bientôt Titi. Dans un futur proche je te confierai l’équivalent de deux nuitées au Ritz.
La famille Ingalls est venue en masse, Charles le premier. La mienne… pas de sœurettes ni de frérot en vue. Les deux premières heures sont cafardeuses. On fait un deal avec cousin Eric : le premier qui décroche une vente vient narguer l’autre. A côté de moi, deux adolescente futées signent à tour de bras : elles font parties des lauréates du prix Clara. Retenez Hélène Pierson ; un sacré numéro (Toque et Plume, contactez-là absolument pour notre projet). Harold Cobert et Tatiana de Rosnay complètent le pôle Eho. Suis cernée. Achète le Cobert (c’est un ami fb). Et je patiente… et puis, et puis… ça vient. D’un seul coup. Et de dix de vendus. Et de douze. Mon père arrive. Il ne reste pas longtemps, suffisamment que le cœur soit léger.
J’achète un livre de voyage, celui de Clément Bosson, « larguer les amarres ». Autant le livre de Sylvain Tesson dont j’ai parlé s’attache bcp plus à la terre qu’aux êtres humains (ce qui n’est pas une critique, avec Tesson, on croit voir le film de Spielberg, "Duel"), autant celui-ci semble axé sur les rencontres.
La nuit est tombée. Mon cousin me raccompagne, moi et Colette, ma fille, qui fut la complice fervente de ce week-end. Merci, homme du Finistère. Aux prochaines vacances glacées. Rendez-vous au chateau du taureau, sorte de Centaur club pour initiés...
Ma Coco, les écrivains semblent bien désarmés derrière leurs pupitres de fortune mais sache une chose : ils aiment cela.
A dans un an, pour de nouvelles rubriques zoologiques…
Mais à demain si vous le voulez bien !