Roland Garros c'est : people, hurlements et quartier grouillant de flics et de voitures de fourrière.
En 1970, c'était : pas un souffle sur les cours (froncement de sourcils désapprobateur si un malheureux toussait, lapidation à l'ébauche d'une crise d'asthme), interdiction d'applaudir une faute directe (malpoli et mesquin), pas foule, et entrée gratuite pour tout le monde après 6 h du soir (les élèves des lycées La Fontaine et Notre-Dame s'en souviennent encore). A partir de juin on ne foutait plus rien : on se postait devant les entrées et on récoltait les billets que les chanceux nous donnaient à leur sortie pour pénétrer enfin ds le cénacle.
Mon premier match (je suis toute petite, un dimanche matin avec papa) : François Jauffret
contre Stan Smith.
Je ne comprends rien et m'ennuie ferme, mais je trouve que le Français a une tête à perdre (expression de ma grand-mère). Il a d'ailleurs perdu.
Insidieusement, Roland Garros est devenu plus sélectif. Finies les entrées gratos ! Finis les billets reconductibles ! Je n'y suis pas allée depuis un bail.
Retour sur les années 70. Premières langueurs post pubères devant un ange italien au toucher de balle de velours : Adriano Panatta. Quand on le voit maintenant, on se dit que le temps est assassin
Même couperet pour Guillermo Vilas
L'Argentin à la crinière éternellement châtaine est très "chronos".
Trêve de considérations esthétiques. En bonne gauchère, je taquinais la balle et fus (il y a très très longtemps) une honnête joueuse (surtout en doubles, mes revers en fond de cours étaient traîtres).
Mes grands chouchous furent donc senestres : Connors
et Mc Enroe.
L'intelligence du jeu de l'un, la virtuosité de l'autre.
D'ailleurs (suis incorrigible), mieux vaut être un jeune moche comme ça, pas de surprises ! mes héros ont très bien tenu le coup :
J'ai attendu des heures pour avoir l'autographe de l'un d'entre eux. En vain. Un jour, j'ai attendu si longtemps que ma mère a appelé les flics (époque sans portable, tsss).
Je me souviens de John disant aux journalistes : "je joue comme un dieu". Je me souviens aussi de la réponse de sa mère : "quand Dieu est à la maison, il descend les poubelles".
Mais il faut que j'arrête, je me fais du mal. Depuis que les jeux ont gagné en force, ça m'intéresse moins. Cela étant, les échanges interminables des Suédois sans imagination des années 80 m'emmerdaient terriblement.
Je n'ai jamais compris l'engouement pour Noah qui, sa victoire mise à part, était constamment blessé aux adducteurs,"comme c'est triste, mon cher Jean-Paul!" (Jean-Paul Loth, un présentateur de l'époque, une flèche lui aussi, tiens : ses commentaires étaient nuls, snobs, il passait son temps à guetter les stars en lunettes noires dans les tribunes. Dominguez est plus sobre).
J'ai vraiment décroché avec Pete Sampras
qui me dégoutait avec sa grosse langue qu'il sortait pour un oui ou pour un non (et un jeu ennuyeux avec ça !)
Heureusement, il y avait Agassi, ses allures de torturé du ciboulot, son jeu gracieux tranchant avec sa vulgarité, clone de Rod Stewart : mi blaireau, mi seigneur
Chez les Français, je trouvais le jeu de Leconte très beau (un gaucher, encore un), bien supérieur au tennis de Noah ; j'ai encore la mémoire de sa finale où il a été sifflé comme jamais joueur le fut, et en France en plus. J'étais désolée pour lui ; à cet instant, je me souviens avoir eu honte de mon pays. La violence de l'antipathie qu'il suscitait m'a tj laissée perplexe. Il n'était pas assez régulier, mais il avait des coups étonnants.
A présent, je ne regarde que les matches féminins : ce sont les seuls qui arrivent à combiner force et stratégie géniale (Federer est précis comme un coucou et Nadal envoie des balles que je n'arrive même pas à voir).
Je n'irai plus jamais à Roland Garros : trop d'étalage, trop de frime, trop de tout. Mais devant l'écran, j'applaudis encore certains points (dont celui, insensé, entre Samantha Stosur et Serena Williams au 3e set, cette dernière battue à l'arrachée).
Baisers de la pine'up qui a offert à son vieux Ingalls des Stan Smith : tu peux encore courir, mon amour, si, si.