Aller voir le Film Lion sans connaitre l'histoire était peut-être la meilleure façon d'être bouleversée par ce récit digne d'un conte pour enfants, avec ses drames, ses désespoirs, sa violence, ses amours et ses grâces.
Je le mets doublement dans mes tendres coups de coeur après avoir subi les bandes-annonces au montage épileptique de Wonder Woman et les couleurs sépia hideuses du dernier Guy Ritchie qui m'a l'air d'être une bonne daube anglaise ; le numérique en ratage sépulcral dans les deux cas, des bandes-son ignobles et des dialogues qui se résument à des hurlements.
Et puis Lion a commencé, aux couleurs du Bengale. Nous les voyons à travers le velouté des prunelles de Saroo, cinq ans de gentillesse. Nous suivrons sa silhouette souple et menue de Calcutta à bien plus loin encore, jusqu'à ce que la boucle de ses yeux retrouve son chemin, ayant appréhendé l'enfer, qu'il évite avec l'instinct des bonnes natures et de petites jambes rapides, le déracinement, découvrant une autre famille, développant un sens de l'adaptabilité qui embrasse les questions de l'adoption et de l'éducation, puis passant par l'errance qui peut torturer les êtres trop délicats.
L'histoire, je ne la raconterai pas. Elle se vit, les mains crispées sur le fauteuil, le tripes tordues à cause des cris qu'on n'ose pousser lorsque la grâce enfantine est broyée par les déchets d'hommes, elle se vit, soupirs de stupéfaction qui ne sortent pas, et qui attendent, comme à la fin de tout conte cruel, la délivrance promise et là, oui, on pleure à chaudes larmes. De soulagement, plus que de bonheur.
Je retiens le sari rose pâle d'une femme d'épouvante, les murs délabrés et splendides d'un vieux palais devenu orphelinat où survit une minuscule espérance, le bleu des trains du malheur, le rouge d'une friandise qui occasionne, telle la madeleine de Proust, des souvenirs arrachant le coeur et donnant au film l'un de ses plus beaux plans.
Le charme agit au delà des dangers, sans jamais sombrer dans la complaisance de la misère ou de l'inhumanité. Il survole, avec la douceur du réalisateur, les paysages les plus invivables sans quitter le point de vue de l'enfant, caméra protégeant l'innocence.
L'âge adulte est aussi synonyme de bonté, celle des mères. Et pour l'une d'entre elles, une Nicole Kidman apporte sa grandiose fragilité. Film sur la perte, au sens de perdu, film sur l'adoption, sur les sources plus que sur les racines, film sur la survie, sur la bienveillance comme blindage difficile, film qui parle aussi de l'échec de vies qui auraient pu bien se passer mais qui hélas échouent, pas par faute d'amour, mais par le poids des cauchemars des débuts de l'existence... Poignant et envoutant, Lion ne quitte pas des yeux les hommes et les femmes.
Il était une fois un petit garçon qui transforma sa vie en épopée, en odyssée... Sa souplesse l'a sans doute sauvé. L'amour dont il a été entouré aussi. Temps court, temps long, on peut objecter que l'histoire est trop belle pour être vraie. Mais elle l'est, ce qui fera taire les esprits chagrins. Film facile, ricaneront certains. Pas sur, tant il est difficile de ne pas sombrer dans le niais avec un tel matériau.
Sur ces étapes de vie en funambule, l'interprétation de Saroo enfant a la fine beauté quasi magique de Sunny Pawar et la tension de l'adulte, en dépit de la fausse insouciance, d'un Dev Patel tout en retenue.
Film artisanal et classique, mais laissez-vous bercer par l'émotion... C'est devenu un luxe, dans une époque qui se laisse parfois noyer par son immédiateté...
Je dédie cette note à tous les êtres enfantins, et spécialement à une femme qui n'est plus là, mais qui possédait le sens du gag des enfants. Je l'embrasse. Tendrement.
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