A priori, ç'aurait pu être une bonne idée de s'interroger sur la frontière entre séduction et harcèlement. A priori. Mais hélas, le débat a été faussé par une tribune publiée dans le Monde dont la pauvreté tant fondamentale que stylistique laisse sans voix. Je ne reviendrai pas sur le choix des mots - importuner!- ni sur le flou du discours. Les signataires de cette... chose, suffisamment inconséquentes pour croire que des discussions de la grande bourgeoisie bien au chaud au café Marly allaient plaire à la femme lambda dont le quotidien est souvent 2 heures de transports en commun, des insultes lourdes, une solitude remplie à ras-bord de stress sur le bouclage des fins de mois et un chef grossier, en ont eu pour leur grade. Ces signataires ont pris pleine face la vindicte populaire, tandis qu'une réaction parisianiste tentait de limiter les dégâts dans un corporatisme de mauvais aloi.
Ces dames ont été "lynchées", ai-je entendu ici et là. Là encore, il faudrait s'entendre sur le choix des verbes : elles ont été éreintées, pas lynchées. Le lynchage, c'est autre chose : on vous tabasse à mort. D'ailleurs DSK en sait quelque chose, on se remet beaucoup mieux qu'on le pense des éreintements, la vie continue entre mariage à Marrakech et conférences internationales. Polanski aussi.
Paradoxe : à l'heure des cris d'internet, de ses jugements et de ses insultes, peut-on réellement briser la carrière d'un coupable? Peut-on avoir la peau d'un porc? Curieusement je crois qu'il était beaucoup plus facile d'avoir la peau d'un sinistre individu avant l'ère du net; la cacophonie virtuelle provoque toujours thèse/antithèse/relaxe, souvent au nom de "je n'aime pas le lynchage".
Dans le Hollywood des temps anciens, des carrières ont réellement été brisées, comme celle de Fatty Arbuckle. A notre époque, il y a violent matraquage puis amnésie.
Donc je ne vais pas m'émouvoir plus que ça de ce qui va arriver aux moghuls hollywoodiens ou à mesdames Deneuve et Millet, les uns sont servis par de puissants avocats, les deux autres continueront leur carrière après cette pluie de moqueries, moqueries tamisées par quelques ardent(e)s défenseurs/euses en mal d'existence.
Finalement, dans l'affaire récente de la tribune du Monde, le plus triste constat est qu'un journal plutôt respectable accepte de publier des idioties pareilles. A ce stade-là, on pourrait donner la parole à Guy Georges pour qu'il dise "j'aime les vieilles", sans préciser qu'il les préfère mortes et démantibulées.
La réflexion n'est pas un luxe, le sentiment n'est pas un luxe, le débat n'est pas assauts de petites phrases, le féminisme n'est pas négociable.
Mais si les médias gâchent tout, alors tout se vaut... quand la notion de média ne veut plus rien dire, la notion de justice ne veut plus rien dire non plus.