J'ai rencontré Soukaina dans le train qui nous emmenait toutes les deux au festival de Loches. Sympathie réciproque, échange de livres, complicité...
Soukaina a un joli visage mobile, un sourire que démentent des yeux aux aguets. Nous avons eu le temps de nous raconter nos vies et nos épreuves ; mon épilepsie parait indécente au regard de ses vingt ans de séquestration avec pour seul tort d'être "fille de". Dernière fille du général Oufkir, Soukaina l'a payé au prix fort.
Echange de livres. ma comédie contre son drame.
"La vie devant moi" est très bien écrit, d'une écriture à la fois sèche, précise et sans emphase. Bon point, c'est une écrivain qui ne se regarde pas écrire, l'émotion est brut, violente et souvent drôle. Soukaina utilise l'humour comme rempart, comme blindage de porte contre l'intolérable. C'est la marque des survivants. Fait étrange, les nombreuses années de captivité, son enfance volée dans une cellule depuis l'âge de 9 ans sont décrites avec une extraordinaire liberté. Un ton volontaire : la famille entière semble avoir été "active", astucieuse, refusant la résignation au moyen de mille ruses dont certaines sont carrément drôles. On sent chez Soukaina l'enfant libre, l'adolescente libre, la jeune femme libre. Et curieusement, lorsqu'à 33 ans elle redécouvre la vraie vie, Soukaina semble avoir beaucoup de mal à l'expérimenter, cette précieuse liberté.
Ce témoignage mérite le succès qu'il a reçu. Vraiment