Argo ou la virtuosité modeste

J'ai adoré le film de Ben Affleck. Mea culpa, non, le cinéma américain ne se casse pas totalement la figure. Argo, c'est l'anti Skyfall (quand les gens réaliseront-ils que Sam Mendes est un réalisateur correct mais très surestimé?).  Pour une fois, je ne vous parlerai pas du tout du pitch ou de l'histoire, le film vaut vraiment de le voir en en sachant le moins possible tant l'histoire est bien menée, bien rythmée, sans violence inutile ou lourdeur consternante. Une histoire sans saccades épate-bourgeois à la Tarantino, sans ralentis complaisants à la Scorcese. 

Les acteurs sont tous parfaits, bons soldats venant des grandes séries américaines; Damages fait le plein de deuxièmes couteaux tels le dynamique Tate Donovan ou le mélancolique Zeljko Ivanek à la grâce très Nosferatu  

On retrouve toujours avec plaisir l'immense John Goodman qui porte à ravir son patronyme. 

Une découverte : le charismatique Alan Arkin, qui a peut-être les meilleurs répliques du film. 

Ben Affleck s'inscrit dans la grande tradition des Gary Cooper/Jimmy Stewart : celle des acteurs très intuitifs dans leur sobriété et qui possèdent ce don rare, celui d'avoir le sens inné des silences. 

Baisers de la pine'up sortie du cinéma (le Pathé à Boulogne est d'un confort...) radieuse, avec la merveilleuse sensation de ne pas avoir été volée. 

PS : la fin des années 70 est très, très bien rendue ; acteurs aux coupes de cheveux un poil trop longues, mais rétrécies par rapport aux années 60, fonctionnaires aux lunettes Audrey Pulvar-Jacques Chirac à ses débuts, couleurs nuancées (beige, gris, lavande), jeunes femmes au look Marie-France Garaud - les années 70 ont été une époque durant laquelle la femme, arrivée à maturité, n'hésitait pas à se vieillir. On associe  à tort les années 70 à une explosion de couleurs et de formes rondes. C'est faux, le rouge, le rose vif et les couleurs primaires sont l'apanage des années 60. Les années 70 sont celles des années "blessées", celle des décors en demi-teinte et des costumes qui grisaillent à nouveau, choc pétrolier oblige.